Étudiante entrepreneuse dans le milieu animalier : comment concilier les deux ?
De plus en plus d’étudiants se lancent dans le bain de l’entrepreneuriat. Il est synonyme de liberté, de flexibilité et de possibilités infinies. Seulement voilà : comment concilier études et son activité d’entrepreneur ? Quelles sont les principales difficultés ? Lucie, en reconversion professionnelle, a accepté de témoigner pour nous.
Comment est né le projet de Lucie ?
Si les étudiants entrepreneurs sont de plus en plus fréquents, tous n’ont pas nécessairement l’envie ou même l’idée de développer un projet. J’ai donc voulu en savoir plus sur Lucie, afin de connaître son parcours et ses réflexions.
“Je m’appelle Lucie, j’ai 28 ans. Je suis actuellement en reconversion professionnelle. Après le bac, je ne savais pas vraiment quoi faire, donc j’ai travaillé dans l’animation avec les enfants. Il y a 2 ans, j’ai trouvé ma voie et j’ai entrepris des études pour devenir kiné. J’adore ce que je fais, ce sont des études hyper intéressantes. J’aime travailler en contact avec des personnes alors je sais que c’est une profession qui me plaira. Mais le côté créatif de mon précédent emploi dans l’animation me manquait cruellement. J’ai donc commencé à coudre des petits accessoires pour mon chien le soir après les cours pour combler ce besoin.”
Il était aussi indispensable que j’en sache plus sur son activité et ses débuts.
“Si le projet me trottait dans la tête depuis un moment, j’ai réellement lancé le projet il y a 3 mois. J’ai fait ma demande d’autoentreprise le 2 avril précisément parce que j’avais à cœur que la date d’anniversaire de l’Atelier coïncide avec la date d’adoption de mon chien. Sans lui, ce projet n’aurait jamais vu le jour. J’ai ensuite commencé doucement à développer mon projet, la priorité était encore de finir mes examens de concours d’entrée en école de kiné.”
Lucie nous apprend alors que l’Atelier de Pata-loup a fait l’objet de transformations avec le temps. Je dois admettre que je me suis totalement reconnue dans son témoignage puisque, comme vous le savez, La patte de l’influence n’a pas toujours été un blog.
“À l’origine, l’Atelier n’était pas du tout ce qu’il est devenu. Amatrice de dessin, j’avais pour projet de dessiner moi-même mes motifs pour faire des produits vraiment originaux. Mais je me suis heurtée à plusieurs problématiques.
La principale étant que l’Atelier ne correspondait pas du tout à mes valeurs éthiques et écologiques. Je me voyais comme une énième boutique qui allait encore produire des articles non essentiels (puisque je fais principalement des accessoires type bandana et nœuds papillons) et j’allais donc alimenter la fast fashion. Qui plus est, je faisais imprimer mes tissus en Pologne. Alors certes, ça me permettait d’avoir un très bon rapport qualité prix, mais bonjour l’empreinte carbone…
C’est pour toutes ces raisons que j’ai décidé de faire de l’upcycling. En utilisant uniquement des tissus de récupération, chutes, vieux vêtements, etc. Cela me permet de créer des produits uniques et éthiques.”
Être étudiante entrepreneuse : la question de l’accompagnement et du développement
Si l’on n’a pas la chance d’avoir quelqu’un dans notre entourage qui entreprend ou qui a entrepris, on se confronte rapidement à un grand flou artistique. Tout est nouveau dans l’entrepreneuriat et tous les cursus scolaires ne nous y préparent pas. J’ai donc demandé à Lucie si elle avait été aidée.
“J’ai développé ce projet principalement seule, même si j’ai eu la chance de pouvoir échanger avec d’autres entrepreneurs dans le domaine. Cela m’a permis d’être préparé au monde de l’entreprenariat et aussi à assumer mes valeurs et mes choix au sein de ma boutique.”
Il fallait ensuite que j’en apprenne davantage sur ses motivations. Vous imaginez, combiner entrepreneuriat et reconversion professionnelle, ça attise forcément la curiosité.
“J’ai souhaité suivre la voie de l’entreprenariat car je suis arrivé à un moment de ma vie où je ne supporte plus les contraintes.
Pendant cette année de concours, j’ai principalement étudié de chez moi ou dans un espace de co-working, je m’organisais comme je le souhaitais, je travaillais aux horaires qui me convenait. Cela me permettait d’être aussi plus disponible pour mon chien, plus flexibles aussi pour organiser des sorties, des rendez-vous médicaux, etc. Finies les contraintes horaires et surtout fini la routine.
Je bénéficie encore actuellement de mes allocations chômage. Je sais qu’elles ne couvriront pas mes 4 ans d’études et je préfère donc travailler à mon compte pendant ma formation.”
L’entrepreneuriat : un long fleuve tranquille ou un parcours du combattant ?
“L’entrepreneuriat correspond exactement à l’image que je m’en faisais… C’est-à-dire beaucoup de paperasse et beaucoup de travail de comm’ ! Les formalités pour les autoentreprises sont simplifiées, mais ça reste beaucoup d’administratif. Des démarches parfois longues, des relances parce que votre dossier s’est perdu, bref ! Et la comm’ prend un temps monstrueux. Les 2 premières semaines où j’ai vraiment lancé ma boutique sur instagram, je n’ai pas pu toucher ma machine à coudre tellement j’étais débordé. Je me suis retrouvée à faire la promo d’articles que je n’avais même pas le temps de réaliser !”
Elle nous donne ensuite son avis sur la question et se livre davantage sur les émotions qu’elle peut ressentir, tout au long de cette aventure.“L’entrepreneuriat n’est effectivement pas un long fleuve tranquille. Au départ j’étais très frustrée. J’avais envie de faire tout toute suite, dès que j’avais une idée, il fallait que ça soit fait. Conclusion je n’étais pas du tout organisée et j’avais l’impression de ne pas avancer.
Maintenant quand j’ai une idée je la note et je m’en tiens à ce que j’ai prévu pour ma journée. Quand on se lance aussi il y a aussi la crainte que ça ne marche pas, que ce qu’on fait ne plaise pas, ou tout simplement que notre entreprise ne décolle jamais. J’essaie de prendre du recul par rapport à ça.
J’ai l’avantage que ce n’est pas mon activité principale, mon objectif c’est de devenir kiné. Si je peux développer ma petite boutique à côté c’est un plus, ça serait génial ! Mais j’essaie de ne pas me mettre la pression, que ça reste avant tout pour le plaisir de créer à côté de mes études.”
Si vous vous demandez si les proches de Lucie ont su la motiver et l’épauler dans sa décision d’entreprendre, ou tout le contraire, c’est aussi une question à laquelle elle a répondu :“Je ne me suis pas spécialement heurtée à des critiques de mon entourage. En tout cas, je ne l’ai pas vécu comme une critique. Plusieurs m’ont conseillé de faire attention, que des études de kiné plus une boutique c’était peut-être trop à gérer. Je pense que mes proches ont simplement peur que j’en fasse trop et que je sois déçue si je ne réussis pas.”
Comment se faire connaître quand on démarre tout juste ?
Je pense que je ne vous apprends rien si je dis que le nerf de la guerre dans l’entrepreneuriat, c’est la visibilité. Forcément, on démarre de rien, il nous faut un petit coup de pouce pour faire décoller l’activité. Mais comment faire ? Lucie nous donne son avis sur la question et ses pistes de réflexion.
“La principale difficulté, je dirais que c’est vraiment la visibilité. Quand on démarre ce n’est vraiment pas évident de se faire connaître, même quand on a un concept qui sort de l’ordinaire.
Je n’ai pas un énorme budget comm’ et je ne souhaite pas passer par des plateformes type Etsy. J’ai eu plusieurs propositions d’exposition pour septembre. Je pense que ce sera de chouettes opportunité de me faire connaître, que les gens puissent voir mes accessoires en vrai, puissent venir les essayer à leur chien, etc. J’aimerais aussi beaucoup faire des marchés, mais cela demande encore du temps, un stock de créations à exposer et aussi un petit budget pour s’équiper en tables, supports, etc pour démarrer.
Oui je dirais que le plus difficile au début, c’est la visibilité ET l’investissement financier, quand il faut sortir alors que rien ne rentre…”
Les perspectives d’évolution quand on est étudiante entrepreneuse
Bien entendu, chaque personne est différente et a des objectifs différents. Néanmoins, il était tout de même important pour moi de connaître ceux de Lucie. Son témoignage pourra en inspirer beaucoup, j’en suis certaine.
Ainsi, Lucie nous apprend qu’elle priorise ses études kiné : “Si à un moment je suis dépassée et que je dois faire un choix, je privilégierais mes études qui sont finalement un bien plus gros investissement personnel et financier (oui quand on reprend des études à 28 ans ce n’est plus gratuit…).”
Forcément, je voulais savoir comment elle s’organisait. Si personnellement, j’adore la polyvalence et multiplier les activités, je sais que ce n’est tout de même pas évident.
“Faire des études de kiné en parallèle, ça demande une bonne organisation et surtout de bien se connaître. Par exemple, je sais que le matin, j’ai le cerveau qui tourne à fond ! Je peux engloutir facilement des pages et des pages de cours.
L’après-midi c’est plus difficile, je suis facilement dissipée, j’ai du mal à tenir en place. Rester assise derrière un bureau, ce n’est vraiment pas mon truc… Donc généralement, je passe du temps sur mes études le matin, et dans l’après-midi, quand je sens que je décroche, je me tourne vers ma boutique. J’adapte aussi en fonction des contraintes liées à mes études. À l’approche des examens par exemple, je vais plancher à fond sur mes cours. Mais pendant les vacances, je ne vais m’occuper quasiment que de la boutique.”
Comme beaucoup d’entre vous, j’en suis sûre, je me suis rapidement questionnée : la boutique de Lucie va prendre l’apparence d’un passe-temps qui disparaîtra une fois devenue kiné ou non ? Elle nous répond.
“J’ai vraiment besoin de cette part de créativité dans ma vie et je souhaite pouvoir conserver mon activité entrepreneuriale à côté de mon activité de kiné. L’avantage de la profession de kiné, c’est qu’elle peut s’exercer en libérale et peut donc assez bien s’associer à une activité entrepreneuriale à côté.”
Enfin, considérant ce qu’elle est en train de vivre et d’expérimenter, il était important pour moi de lui donner la parole sur une chose. Il s’agit du message qu’elle souhaiterait transmettre aux étudiants qui, comme elle, souhaiteraient se lancer dans l’entrepreneuriat :
“Ce que j’aurais à dire à des étudiants qui souhaitent entreprendre, c’est qu’il faut vraiment être motivé. Il faut le faire vraiment pour un projet qui nous plait et pas simplement dans l’optique d’avoir un “job étudiant” sans contrainte. Ça demande aussi beaucoup de rigueur et d’organisation pour concilier les 2 et accorder du temps à chaque projet. Et surtout ne pas hésiter à se faire aider et à échanger avec d’autres entrepreneurs. Des fois, juste savoir que l’on n’est pas seul à vivre avec cette charge mentale, c’est réconfortant.”